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Quand le roi rendait visite à Neuchâtel

par Chantal Lafontant-Vallotton,
conservatrice du Musée d’Art et d’Histoire de Neuchâtel

28 août 2013

 

Pierre-Henri Béguin, président du Musée de l'Areuse, présente Chantal Lafontant-Vallotton et relève la haute teneur de l'exposition actuelle au Musée d’Art et d’Histoire de Neuchâtel intitulée «Sa Majesté en Suisse – Neuchâtel et ses Princes prussiens». Il recommande chaleureusement à chacun d'aller la voir (jusqu'au 6 octobre). Il souligne au passage qu'elle comporte quelques objets prêtés par le Musée de l’Areuse.

Il félicite aussi Chantal Lafontant-Vallotton d'avoir réussi à innocenter le Roi de Prusse en organisant un procès, avec de vrais juges, pour déterminer si le Roi avait le droit de céder la Principauté de Neuchâtel à Napoléon.



Chantal Lafontant-Vallotton remercie les responsables du Musée de l’Areuse de lui permettre de présenter un sujet en lien avec cette exposition. Elle précise que sur l’affiche, le trône symbolise la puissance du souverain, mais comme il est vide, il symbolise aussi son absence physique de Neuchâtel.

Sa conférence s’articulera sur trois points:

  • Les raisons qui amènent un souverain prussien à venir en visite dans sa principauté
  • Le déroulement de cette visite de trois jours, les 12, 13 et 14 juillet 1814
  • L’impact de cette visite, les réactions qu’elle a suscitées

Bref rappel historique

En 1707, Marie de Nemours, dernière représentante de la famille des Orléans-Longueville décède, sans descendance.

Des juges neuchâtelois détermineromt avec quel souverain européen Neuchâtel va être liée. Parmi une vingtaine de prétendants, les juges décident de lier Neuchâtel à la Prusse.

Quels sont les intérêts de la Prusse?
Certainement la volonté d’écarter certaines influences dans une région stratégiquement située entre la Franche-Comté (que le Roi de Prusse convoite) et l’ancienne Confédération (qui lui ouvre la porte de combourgeoisies avec Berne - donc Vaud -, Lucerne, Fribourg et Soleure, autrement dit des liens privilégiés avec ces cantons). Par ailleurs, le français étant alors la langue internationale, il était aussi intéressant d’avoir une antenne dans une région d’expression française.

Pourquoi lier le destin des Neuchâtelois à la Prusse?
Tout d'abord, le souverain prussien était protestant. Certes, les Longueville étaient catholiques, mais Neuchâtel a passé par la Réforme. Ensuite, la Prusse est une puissance montante, donc Neuchâtel se met sous l’aile d’un puissant protecteur.
En même temps, la Prusse – Berlin – se situe à environ 1000 km de Neuchâtel, soit 2 à 3 semaines de diligence. Cet éloignement géographique est garant d’une


Ce tableau de Frédéric I a été acheminé depuis Berlin, afin de symboliser la présence du Roi à Neuchâtel.

certaine autonomie. Ceci explique aussi peut-être pourquoi les souverains prussiens ne sont pas venus très souvent à Neuchâtel!


Dessin destiné à l’impression de toiles
peintes; il sera reporté sur un bois, gravé.

Le début du 19e siècle à Neuchâtel est marqué par un essor économique. Les années prussiennes coïncident avec cet essor, en particulier les années 1750 à 1800. Il est essentiellement dû à l’industrie des toiles peintes. Des négociants neuchâtelois vont développer des comptoirs un peu partout (Inde, Afrique, etc.) et constituer des fortunes considérables. Notons que l’industrie des indiennes du Petit-Cortaillod employait jusqu’à 700 ouvriers, alors que Neuchâtel ne comptait que quelque 4000 habitants.

Jacques-Louis de Pourtalès était un grand négociateur et un grand voyageur. Il a édifié plusieurs bâtiments le long du Faubourg de l’Hôpital, notamment l’actuel rectorat de l’Université.

Un essor culturel caractérise également cette époque. C’est notamment Jean-Jacques Rousseau qui vient se placer sous la protection du Roi de Prusse lorsqu’il est chassé par les Bernois et les Genevois.


Jacques-Louis de Pourtalès

Neuchâtel vit aussi un essor du livre lors de la création de la Société typographique de Neuchâtel.

Finalement, un essor architectural est aussi à relever, notamment l’Hôtel-de-Ville de style néo-classique.

Mais quelle part de tout cela attribuer au régime prussien?


1814, première visite d'un souverain prussien à Neuchâtel. Les raisons:

Si les autorités neuchâteloises bénéficient d’une grande autonomie, cette principauté n’est pas au coeur des préoccupations des souverains prussiens. Il a fallu attendre 107 ans pour que la Roi de Prusse pose les pieds sur territoire neuchâtelois.

Cette visite ne peut être dissociée de la chute de Napoléon et de la récupération de la principauté de Neuchâtel par le souverain prussien.

De 1806 à 1814, Neuchâtel avait été échangée avec Hanovre: Napoléon a donné Hanovre au Roi de Prusse qui lui a remis la principauté de Neuchâtel.


Caricature représentant le Roi d’Angleterre, le Roi de Prusse, le Tsar de Russie et l’Empereur d’Autriche se partageant le «gâteau». Napoléon est dans la position de celui qui va être mangé (sur la table). Le Roi de France Louis XVIII n’a pas voix au chapitre (il est sous la table).

Trois jours de visite: le déroulement


Le 12 juillet 1814, Frédéric-Guillaume III arrive par la rue Jehanne de Hochberg, accompagné de ses deux fils, Frédéric-Guillaume IV (celui qui a vécu les événements de 1848) et Guillaume 1er.

A l’époque, il y avait encore une porte à cet endroit pour pénétrer dans la ville, aux abords de la Tour des Prisons. On voit sur l’image que cette porte a un fronton triangulaire (néo-classique!). Il servait à cacher au Roi que ses armoiries avaient été mises à mal pendant le règne de Napoléon.


Le souverain logera dans la maison de Louis de Pourtalès, au Faubourg de l’Hôpital.

Louis de Pourtalès sera anobli (Comte). Il sera un des signataires de l’acte de ralliement de Neuchâtel à la Confédération.

Le 12 juillet, le Roi visite la Fabrique Neuve de Cortaillod qui a été à l’origine de la fortune des de Pourtalès avec les indiennes.

Le 13 juillet, il visite l’est du canton et le 14 juillet, il se rend dans les Montagnes.

Dans la Grotte de la Toffière, le nom du souverain et la date de sa visite ont été gravés sur la paroi rocheuse. Lorsqu'en 1842, son fils vient à Neuchâtel, son nom et la date de sa visite ont également été gravés dans cette grotte.

Salomé de Gélieu

Salomé de Gélieu a été pendant des années la préceptrice de Louise de Meklembourg-Strelitz. Elle a eu des liens très forts avec cette famille prussienne. La future Reine Louise avait donc une gouvernante qui parlait français et était protestante.




Châle en cachemire offert à Salomé de Gélieu, ayant appartenu à la Reine Louise
.

Salomé de Gélieu est probablement la femme en gris assise sur le banc, avec les enfants du Grand Duc de Mecklembourg-Strelitz.
  Louise de Mecklembourg-Strelitz épouse Frédéric-Guillaume III à 17 ans et aura 10 enfants. Elle décède à 35 ans. Elle sera vénérée comme une sainte.

Les réactions suscitées par cette visite

Cette visite a été perçue de manière très différenciée, mais une grande désillusion prédomine. On reproche au souverain prussien une forme de froideur, des rencontres limitées à quelques personnes, un séjour très court, peu de contacts directs avec la population. Sa Majesté est restée invisible pour ses sujets. Elle s’est contentée de visiter le canton en touriste.

Il a aussi été reproché aux de Pourtalès d’avoir accaparé le souverain qui n’a plus eu le temps de se rendre au Château pour rencontrer les autres membres des autorités. Louis de Pourtalès en revanche a bénéficié largement des retombées de cette visite. Il sera au centre des relations qui vont se tisser entre Neuchâtel et la Prusse!


Frédéric-Guillaume III

 

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© Musée de l'Areuse, Boudry, 2002
mise à jour: 4 septembre, 2013