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Une commune oubliée, Areuse

par Germain Hausmann, archiviste

29 septembre 2010

Pierre-Henri Béguin relève que les historiens émettent des hypothèses. Notre conférencier de ce soir va aussi en formuler, mais les siennes sont plaisantes!

La commune de Boudry a été sensible à la valeur inestimable des archives communales et elle s’est attachée les compétences de Germain Hausmann. Il a classé tous les documents de la Commune, les a archivés.

Il a publié aussi l’histoire du Prieuré de Bevaix. Il connaît bien le passé, cette histoire qui nous échappe très souvent.

Actuellement, il est archiviste de l’Abbaye de Saint-Maurice.

   


Germain Hausmann explique avoir découvert, quand il s’est occupé des archives de Boudry, qu’un quartier s’appelait Areuse. Et en plus, on lui a dit que c’était anciennement une commune autonome.

Il n'en fallait pas davantage pour piquer sa curiosité! Il s'est donc plongé dans la dizaine de registres et quelques boîtes d’archive
dans lesquels se trouvent consignés les 800 ans d’histoire d'Areuse.

Territoire qu’occupait probablement Areuse au Moyen-âge (ligne rouge). Trois-Rods faisait partie d’Areuse. Une petite partie du territoire
d’Areuse se trouve sur le territoire
de la Seigneurerie de Colombier.


Au Moyen-âge, la moitié des habitants d'Areuse dépendaient de Boudry,
l’autre moitié du Prieuré de Bevaix.


Areuse est un des plus anciens noms des communes neuchâteloises. En 1650, un chanoine a recopié tous les documents intéressants des archives de Besançon. Ces documents sont actuellement à la Bibliothèque nationale de Paris. Pour localiser les noms de lieux, la France a fait appel à Germain Hausmann qui a rapidement repéré des noms de notre région.


Areuse: la grand-rue
On trouve l'ancienne commune d’Areuse sous trois dénomination:
1. Areuse
2. Par analogie à la rivière allemanique Reuss, on écrit La Reuse
3. Et, en référence à un tout petit territoire, La Creuse.
 

Le 29 avril 939, le nom d'Areuse apparaît dans un document: un monsieur a reçu une parcelle à Columbario (Colombier). En échange, il donne des possessions dans le pays de Nogorolense (Nugerolle = Le Landeron) et à Salotrense (Soleure), ainsi qu'en un lieu nommé Aurosa (Areuse) à un monsieur Valet (premier nom connu sur territoire neuchâtelois).

Dans un autre document, on parle d'Oruse (Areuse), Avernieie, Cormundresge, Voens, Enge, Crissie, Nugheroule, Linieres, Prales, ...
Areuse = Aurose début 12e siècle. Racine Aur = se mouvoir, se bouger, s’écouler. Cela a aussi donné «orient», lieu où le soleil se lève. On trouve d'autres Areuse près de Neirivue, près d’Aubonne, à Epesse.

La dîme était perçue à Areuse (sur toute la rive gauche de l’Areuse) et dans un endroit nommé Trois-Rods.

Concernant l'exploitation de la rivière, Pierre d’Estavayer estimait que la pêche lui appartenait. Mais le Seigneur Rollin de Neuchâtel estimait aussi que cela lui appartenait.

En 1346, la Seigneurerie de Colombier définit le territoire des trois communes qui dépendent de lui, c'est-à-dire Bôle, Areuse et Colombier. Les limites sont, entre autres, le Mardascon (Merdasson), Montisilion, ... Grandchamp faisait partie de Boudry, parce qu'à l’origine, Boudry allait jusqu’au lac, jusqu’au port. La Plaine d’Areuse était une sorte de marécage puisque le niveau du lac était 3 mètres plus haut qu’actuellement.

Areuse compte 19 familles, alors que les Vermondins et Pontareuse n'en comptent que 7 chacune.

Vers 1500-1550, la commune se ferme. Jusque là, ceux qui habitaient un lieu en étaient ses ressortissants. Mais les communes ont des biens et plus il y a d’habitants, plus il y a d’ayant-droit sur les biens de la commune. Par conséquent, les communes commencent à demander aux arrivants de se naturaliser. En plus, elles ont aussi créé des ressortissants sans droit.

En 1568, le gouverneur d’Areuse est Philibert Pernet. Areuse est une commune indépendante et reconnue de tout le monde. Ss seule propriété est une source et une fontaine.

La fontaine ci-contre date de 1786. On trouve les initiales AW, celles du gouverneur de la communauté Abraham Wulliet. Le bassin date de 1796 (Abraham Pernet). De l’autre côté du fût, on trouve les initiales JJFP 17.., soit Jean-Jacques François Pernet, gouverneur en 1796.

Cette fontaine publique devait être entretenue par les bourgeois d’Areuse uniquement, alors que tout le monde pouvait se servir. L'eau était amenée par conduite en bois jusqu’à la fontaine. La propriété de la fontaine d’Areuse a été transférée à Boudry en 1870.



Areuse a une source qui ne se tarit jamais, au pied du coteau. Le petit chemin ci-contre mène jusqu’à la source.

Le territoire de la commune d'Areuse est très petit. Trop petit pour ses 6 à 7 fermes. Donc, les paysans laissaient paître leur bétail au Coudret à Cormondrèche, sur un territoire délimité appellé le territoire d’Areuse jusqu’en 1790. Par ailleurs, le Seigneur de Colombier soutient les paysans lorsqu’ils veulent mettre leur bétail dans le Bois du Biollet. Et il existait encore un autre droit de bourgeoisie, sur le Mont de Plamboz. Ce droit a été supprimé en 1840.

En 1356, le Comte Louis cède à Colombier, Bôle et Areuse le Bois de Cottendart et le Bois sur Bôle. Pendant plusieurs siècles, les trois communes possèdent ces bois en commun. En 1711, Bôle et Areuse se partagent les bois que Colombier n’a pas demandé à avoir en propriété.

Areuse possédait des bois:

Un bois au-dessus du Château de Rochefort. Cette parcelle a été cédée ensuite à la commune de Bôle.

Dans le Bois des Chaumes, Areuse avait une très grande

 

parcelle et y faisait son bois. Chaque année, on préparait
13 tas de bois pour les habitants d’Areuse. Et les
gens s'empressaient de
vendre à l’extérieur le bois qu’ils recevaient gratuitement. Cette parcelle appartient toujours à la commune de Boudry.

Dans la forêt des côtes de Champ-du-Moulin, entre l’Areuse et les Miroirs, Areuse possèdait un tout petit bout
de terrain, sur une largeur d’une centaine de mètres,
très difficile à exploiter.

 

Mais Areuse devait en contrepartie, s’occuper des routes, soit les construire, les entretenir et les déneiger, au nombre desquelles la route de La Luche, entre Bôle et Rochefort, la route de la Tourne qui se termine à Plamboz, la route en direction de Boudry. Pour une petite commune d’une dizaine de foyers et d’une cinquantaine de personnes, c’était beaucoup. Et, cerise sur le gâteau, la route de La Luche n’aboutissait même pas à la forêt qu’ils possédaient!!!

 

Quelques statistiques:
En 1740, il y a un communier riche, les autres sont soit pauvres, soit ils habitent ailleurs.

En 1780, on dénombre 33 Neuchâtelois, 4 habitants d’Areuse et 15 étrangers (comprendre étrangers à la commune). Il y avait les propriétaires des industries d’indienne, les autres étaient leurs domestiques.

Areuse est trop petite
pour qu’il y ait une école et les enfants se rendaient soit à Boudry, soit à Colombier.

En 1870, quand la commune s’unit à Boudry, il y a 74 habitants, mais aucun originaire d’Areuse.

Lors de la tentative de révolution neuchâteloise de 1830-31, le gouvernement royaliste essaie de rassembler les communes dans de plus grandes circonscriptions. Comme Areuse ne dépend plus de Colombier mais de Boudry, ainsi que sa paroisse.



L'administration de la commune d'Areuse: un vrai roman-feuilleton!
Le Conseil se réunissait une fois par an. Areuse n'a pas d’hôtel de ville et on se réunissait chez un privé. Au 18e siècle, on se réunissait au Grand-Frédéric à Colombier. Ensuite, les réunions ont eu lieu à la «Mairesse» où habitait le président inamovible d’Areuse jusqu’en 1822. La séance commençait à 10 heures précises et si on arrivait en retard on payait 2 batz d’amende.

Le Conseil traitait des affaires de la commune, c'est-à-dire de la fontaine et éventuellement des bois. Et c’était tout!

L’assemblée générale (10 personnes au maximum) se composait de paysans pauvres, assez peu au fait des subtilités de la gestion.

Quand ils veulent acheter quelque chose, ils donnent en caution la commune d’Areuse sans son accord, commune qui se retrouve avoir des dettes qu’elle n’a pas contractées!

En 1818-19, la commune d’Areuse est pratiquement en cession de paiements. L’Etat de Neuchâtel s’en mêle: il veut soit créer une commune un peu plus grande en lui adjoignant des terres, soit nommer le maire de Colombier pour s’occuper de cette commune. Monsieur Divernois est reçu communier. Et depuis 1822, Divernois a présidé la commune, jusqu’à sa mort. Le flambeau est repris par son fils jusqu’en 1870.

A son arrivée, la situation était catastrophique. Il a trouvé une commune «un peu spéciale». Normalement, dans une commune, il y a des ressortissants qui ne paient pas d’impôts et des habitants qui paient une taxe d’habitation (gîte). A Areuse, c’était à peu près ainsi jusqu’en 1700. A cette
époque, certains nobles qui sont venus habiter Areuse n’entendent pas payer d’impôts. Un procès va durer une quarantaine d’années. C’est finalement la commune d’Areuse qui a perdu.

Dès lors, le «fournage» était payé par les ressortissants d’Areuse alors que les habitants ne le payaient pas. Donc, les ressortissants d’Areuse étaient les seuls à payer des taxes. Et en plus, ils devaient entretenir la fontaine et s'occuper de toutes ces routes. Ils ont donc quitté la commune et sont allés habiter dans d’autres endroits. Cela explique qu'il n’y ait plus de ressortissants de la commune dès 1800.

La situation financière était très, très difficile, les recettes manquaient cruellement. En 1803, un projet de réunion avec Colombier a vu le jour. Colombier était favorable jusqu’à ce qu’ils demandent à voir les comptes. Là, ça s’est gâté!

Boudry n’a pas voulu non plus de cette commune en cession de paiements. La tâche de Divernois était de trouver à qui «fourguer» cette commune. Il n’y avait pourtant pas d’autres solutions que dintégrer Areuse dans une autre commune, Areuse qui n’avait plus de ressortissants dans ses murs et qui était de plus devenue très difficile à gérer.

Finalement, Boudry a accepté d'intégrer Areuse, parce que Divernois avait réussi à assez bien redresser la situation.

Familles originaires d'Areuse:

  • Pernet, avant 1407.
  • Perrard de Creuse
  • Girard d’Areuse
  • Perronet-Girardo. En 1550, une descendante, Guillauma, épouse Aimonet Vermond de Montlebon. Leurs descendants reprendront le patronyme de la mère et restent originaires d’Areuse. Cette famille existe toujours.
  • Gretillat, originaires de Montmollin. Intégrés en 1738. Ils sont communiers non jouissants, donc ils n’ont droit ni au bois et ni de mettre pâturer dans les bois.
  • Borel Pierre Abraham, était aussi bourgeois de Neuchâtel.
  • Maréchal, 1775, originaires de Wurtemberg.
  • Roy Charles Emmanuel, 1790. Il s’occupait des finances communales en mélangeant ses affaires personnelles et celles de la commune!
  • Niedt, 1817, aussi originaires de Wurtemberg.
  • D’Yvernois César, aussi bourgeois de Neuchâtel. Descend d’un certain Divernois. Réfugié huguenot. Poète? Habitait la «Mairesse».
  • Eifer Henri, est aussi venu du Wurtemberg. 1818.
  • Lenz Edouard, de Bavière.
  • Bippus Françoise, veuve avec deux enfants, «heimatlos» et aussi originaire de Wurtemberg.

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© Musée de l'Areuse, Boudry, 2002
mise à jour: 8 août, 2011