Accueil    > Dernières nouvelles   >  Assemblée générale 2010 et conférence publique

Assemblée générale 2010: mercredi 10 mars 2010


Pierre-Henri Béguin, Président de la Société du Musée de l'Areuse, salue la présence de:

- Claude Grosjean, Président du Conseil général de Boudry
- Blaise Geiser, Président de la Commission Sport, Loisirs et Culture
- Thierry Chételat, Secrétaire de la Société de développement de Boudry (Claude Brun, Président, s’est excusé)
- Le Musée régional de La Sagne est représenté par Laurent Huguenin et Roger Vuille.

Se sont excusés:
- Raoul Lembwadio, Conseiller communal à Boudry
- Le Conseil communal des communes de Colombier et de La Sagne
- Patrick Chételat, Philippe Graef, Yves Delamadeleine, Christian Berger, notamment.


Au cours de son rapport sur les activités du Musée, le Président informe que des devis ont été établis pour la réfection des fenêtres du premier étage. Ce mois encore, ou au début du mois prochain si la météo n’est pas favorable, les quatre fenêtres seront restaurées.

Concernant la bibliothèque du Musée, l’inventaire se poursuit, le fichage progresse et 300 ouvrages sont déjà répertoriés, soit environ un tiers de tous les livres que le Musée possède. L’étape suivante sera leur catalogage. Mais l’important est aussi de conserver et de restaurer les livres qui le méritent. En fonction des finances disponibles, le Musée va restaurer petit à petit, au fil des années, ces livres.

En 2009, le Musée de l’Areuse a accueilli 597 adultes et 278 enfants pour une visite de ses collections, a répondu à 204 demandes d’informations touristiques et a vu 532 personnes participer à ses manifestations.

Le comité est heureux d’accueillir Patrick Chételat qui prend le poste d’intendance du bâtiment et maintenance.

La saison 2010 s’annonce exceptionnelle. Trois veillées gourmandes seront organisées, dont deux scoops. Le programme détaillé sera révélé, comme à l’accoutumée, le 1er avril.

 
Le prochain rendez-vous est donc le jeudi 1er avril 2010 à 18 heures: traditionnelle cérémonie de réouverture du Musée et inauguration d'une statue farfelue.

Conférence publique

Du roman au féminisme: le parcours hors du commun de T. Combe
par Caroline Calame, Conservatrice des Moulins souterrains du Col-des-Roches et du Musée d’histoire du Locle.
   

Pierre-Henri Béguin présente Caroline Calame, conservatrice des Moulins souterrains du Col-des-Roches et du Musée d’histoire du Locle.

Parlant de T. Combe, il souligne que cette grande Neuchâteloise est de plus liée avec «notre» Oscar Huguenin. C’est une romancière, elle a beaucoup écrit et a milité intensément pour les droits de la femme dans un temps où c’était le parcours du combattant. Comment peut-on être féministe au Locle?

Caroline Calame précise que la Bibliothèque de la ville du Locle conserve un fonds qui vient en grande partie de T. Combe elle-même: cahiers scolaires, journal intime, agendas, correspondances familiales, amicales ou professionnelles, pièces comptables, coupures de presse, albums de photographies, etc.

A noter que dans son agenda, elle ne notait pas que ses rendez-vous, mais décrivait aussi toutes ses activités, ses rencontres et ses impressions.

T. Combe est née Adèle Huguenin le 16 août 1856 à la rue de France N° 10 au Locle. T. Combe décède le 25 avril 1933. Elle a 77 ans.

 

Ses parents, William-Humbert et Adèle Humbert-Droz étaient horlogers à domicile tous les deux. Ils donnent à leurs deux filles, Adèle et Amélie, une très bonne éducation. Adèle apprend très vite à lire, déjà vers 4 ans, grâce à sa grand-mère qui est très cultivée. Savoir écrire est un don dans la famille, mais un don de femmes : sa mère et sa petite sœur écrivait aussi.

Pendant sa vie scolaire, T. Combe rencontre et se lie d’amitié avec une jeune anglaise, Augusta dite Gusty, venue au Locle pour apprendre le français.

En 1870, la crise horlogère frappe les parents de T. Combe et leur prospérité s’évanouit. Les deux filles doivent trouver du travail. Adèle deviendra institutrice et Amélie comptable. Adèle passe son brevet d’enseignante à 16 ans, ses élèves sont guère plus jeunes qu’elle. Elle aurait espéré entrer à l’Académie (université aujourd’hui), mais elle dut y renoncer vu la situation financière de ses parents.

Le salaire d’une institutrice est légalement fixé au tiers de celui d’un instituteur. Pour compléter son revenu, Adèle se met à écrire depuis 1875.

T. Combe est un pseudonyme suggéré par ses parents car, même s’ils soutenaient sa carrière d’écrivain, ils préféraient qu’elle publie ses livres sous un pseudonyme.

Elle ne met pas de prénom, seulement une initiale, car cela permet d’imaginer tout ce qu’on veut et laisse même supposer que c’est masculin.



Edouard Tallichet, directeur de la Bibliothèque universelle

En 1877, elle envoie un manuscrit à la Bibliothèque universelle. Edouard Tallichet, directeur, refuse ce manuscrit, «à regret» dit-il.

En 1879, elle essaie à nouveau d’envoyer un manuscrit et cette fois son ouvrage est pris.

Tallichet a la main lourde et corrige abondamment ses récits, quitte à en faire disparaître les traits les plus incisifs. Il faut dire aussi que, prude et ultraconservateur, il est bien placé pour connaître les limites à ne pas dépasser. Car non seulement les élites conservatrices protestantes ont en main les journaux qui comptent, mais elles recrutent dans leur rang les chroniqueurs littéraires et artistiques les plus prestigieux du moment.

Au début, elle gagne 3 francs par page. En 1883, fine négociatrice, elle obtient 5 francs et 7 francs en 1886. Cela représente plus de 1'000 francs par an versé par la Bibliothèque universelle, soit l’équivalent du salaire annuel d’une institutrice.

Elle accomplit le grand saut en 1881: elle rejoint Gusty en Angleterre. Elle devient institutrice dans une famille, mais c’est une mauvaise expérience. Elle revient au Locle, juste pour apprendre que son livre «Pauvre Marcel» a reçu le premier prix de l’Institut genevois. Elle retourne à Londres dans une autre famille où elle s’entendra à merveille cette fois.

Elle cherche à tisser des contacts à Paris, seule ville où on peut percer en littérature à l’époque, sur les conseils d’Edouard Tallichet. Après la parution des «Tournesols», elle se brouille avec Tallichet qui qualifie cette œuvre de mauvaise. Malheureusement, Tallichet avait raison et «Tournesols» n’était pas vraiment une bonne œuvre.

A Paris, T. Combe tombe éperdument amoureuse de Henri Jacottet, un Neuchâtelois établi à Paris qui travaille aux Editions Hachette. Mais cela ne va pas plus loin, d’une part il vient d’une riche famille neuchâteloise et elle est la fille de deux petits horlogers ruinés, et d’autre part épouser Jacottet c’est ne plus être T. Combe!

Elle rentre chez elle en 1887. Ses parents sont malades. Le 29 janvier 1893, elle perd sa mère et le 7 février de la même année, son père.

Les parents ne sont pas seulement ruinés, mais ils ont été imprévoyants et dépendent désormais totalement financièrement de leurs deux filles.

Adèle a passé 30 ans, elle écrit depuis 10 ans. Elle est à peu près sûre qu’elle ne se mariera pas, qu’elle n’aura pas d’enfants et qu’elle n’aura pas le destin « normal » d’une femme de son époque. Adèle est atteinte d’une tumeur qu’elle refuse de soigner. Ce n’est qu’en 1897 qu’elle accepte d’être opérée dans une clinique à Lausanne.

Il faut donc qu’elle donne un sens à sa vie. Le 9 juillet 1890, elle décide de se consacrer à Dieu.

En 1899, elle adopte une fillette abandonnée: Eva Maury.


La famille Huguenin.
Debout à droite, T. Combe.
Au milieu, probablement, la mère.

Elle commence en 1891 à réunir chez elle un groupe d’ouvrières auxquelles elle enseigne les bases scolaires. Elle crée aussi un cercle d’abstinents pour jeunes garçons. Elle accueille chez elle des garçons en difficulté, elle aide des alcooliques à s’en sortir.

Sa première œuvre engagée «Une Croix» paraît en 1891 et traite de l’alcoolisme. Elle choisit comme héroïne une institutrice, rentière, donc l’alcoolisme bourgeois et féminin… très mal vu par Tallichet qui le refuse. «Cœur lassé» décrit très bien un jeune homme condamné à s’occuper de son beau-père et de sa belle-mère, avec résignation, ce qui n’est pas sans lui rappeler la période où elle entretenait ses parents. Elle veut montrer aux femmes qu’elles travaillent, qu’elles accomplissent chaque jour des tâches importantes: «Ce que fit un Géranium» pour l’union des femmes pour le bien. Elle écrit aussi pour les enfants: «Tim Boum et Tata Boum». Or, écrire pour les enfants, c’est se tenir «hors littérature». «Celle qui tua trois fois» est un livre contre l’absinthe. L’interdiction de l’absinthe lui doit certainement beaucoup!

En 1904, T. Combe habite Les Brenets et y construit sa maison qu’elle appelle La Capucine, sur les hauts du village. La maison est grande (une vingtaine de pièces) parce qu’elle souhaite y accueillir des amis. Par la suite, La Capucine deviendra une coopérative de vacances.

L’entretien de la maison pèse très lourd sur les finances de T. Combe. Elle emprunte à tour de bras. Grâce à Charles Naine, elle pourra convertir en don un prêt, ce qui sauvera la situation. Gusty fera aussi des dons et des prêts, bien qu’elle ne soit pas riche du tout.

En 1912, T. Combe fait une tournée de conférences aux Etats-Unis pendant plusieurs mois. Elle revient dans sa maison juste avant la déclaration de guerre. Elle est outrée de la violation de la neutralité belge et accueille à La Capucine des réfugiés belges. Elle accueillera aussi des soldats aveugles belges et les aidera à se réinsérer.

Avec le soutien de Charles Naine, T. Combe entrera en contact, vers 1908-1909, avec les milieux socialistes. C’est le seul parti à s’intéresser au suffrage féminin. En mai 1913, elle s’inscrit au parti socialiste du Locle.

En 1905, elle commence à donner des conférences sur les thèmes féministes. En 1921, elle crée un hebdomadaire «Notre samedi soir», causerie entre femmes. C’est un œuvre extrêmement novatrice, car une revue qui s’adresse aux femmes n’existe pratiquement pas. C’est un journal qui s’adresse à des femmes modestes, qui n’ont pas de culture. Les thèmes sont expliqués de manière très simple. Les lectrices se comptent par milliers (4'000 abonnées, donc bien davantage de lectrices). T. Combe est une communicatrice hors pair. Elle arrive à faire comprendre aux femmes que les petits tracas de la vie quotidienne sont en fait liés à des faits politiques et, en les sensibilisant, elle leur fait comprendre en fait l’importance du droit de vote.

T. Combe était pleine de vivacité, de malice, d’esprit et d’humour, voire de sarcasme, mais elle était relativement négative. Elle ne ménageait pas son entourage et elle a fini par se quereller avec pratiquement tout le monde, même sa sœur. Il n’y a que la chère Gusty qui maintiendra une relation amicale au fil des années. Même avec sa fille adoptive, T. Combe entretiendra des relations tendues.

Le 11 janvier 1908, pourtant au faîte de sa renommée, T. Combe écrira dans son agenda: «J'aurais besoin d'écrire encore un roman, cela me ferait du bien. Au fond je n'aime que cela, la vie fictive dans un roman qu'on lit ou que l'on compose. [...]. Il y a un torrent qui est encore en moi, emprisonné. A quoi aura-t-il servi? A m'emporter vers les plus grandes erreurs de ma vie. Comprendrai-je un jour ces incohérences, ces lignes coupées, ces faux départs, ces facultés très spéciales, sans emploi ? [...]. Il y a comme une méprise là-dessous, dirait-on.»

Amélie Huguenin, sa petite soeur

     

Au point de vue littéraire, elle est un écrivain de réel talent, elle a un excellent style, élégant.

Son œuvre se répartit en trois catégories:
• Le roman populaire: «Les croquis montagnards». Qualités humaines et générosité.
• Période engagée (sa conversion): «Une Croix», «Celle qui tua trois fois». Ce ne sont pas les meilleurs. Ils sont convenables et moraux.
• Brochures et revues: «La mal tournée», «Cinq épisodes d’une vie».

Le socialisme de T. Combe demande des améliorations sociales, mais n’est pas militant. Son féminisme combat les inégalités et les injustices. Sa sincérité est entière, teintée d’un peu d’ambition et d’envie de réussir. T. Combe a œuvré selon son cœur, de manière efficace. Ses discours étaient modérés et pas théoriques. Par son engagement et sa volonté, elle a été un exemple de ce qu’une femme pouvait faire au 19e siècle.

Quant à son lien exact de parenté avec Oscar Huguenin, c’est plutôt un cousinage assez éloigné.

Ses principales œuvres: Pauvre Marcel, Le mari de Jonquille, Une croix, Enfant de commune, Tim Boum et Tata Boum, La Mal tournée, Cinq épisodes d’une vie, Celle qui tua trois fois, Les croquis montagnards, Cœur lassé.

 

Fidèle à la tradition, le Musée de l'Areuse a offert un superbe "poussegnon": cakes, gâteaux, tartes, pâtisseries - amoureusement préparés par quelques membres du Musée -
.... le tout arrosé de nectars du terroir!

 
Retour à l'accueil
© Musée de l'Areuse, Boudry, 2002
mise à jour: 4 août, 2011